L'EUROPE C'EST LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE
Cessons de fantasmer sur les rapports passés de l’Europe et du monde … et libérons nos énergies pour une cause qui vaille au lieu de nous confire dans cette « morale de troupeau » qui nous envahit !
La civilisation européenne née il y a près de trois mille ans dans le creuset méditerranéen, s'est progressivement recentrée vers le nord lors des invasions "barbares" de la fin de l'Empire Romain et lorsque les arabes ont conquis, arabisé et islamisé la rive sud de la Méditerranée. Elle a conquis le monde au cours des cinq cents dernières années, grâce au développement rapide de la science et de la technique qu'elle a su promouvoir et qu’elle a utilisé comme instrument de progrès et de domination à partir de la Renaissance. C'est alors qu'elle a nettement distancé les autres grandes civilisations, chinoise, indienne, perse, arabe, aztèque ou incaïque, qui se sont effondrées ou sont restées attachées à leur système traditionnel d'organisation économique, sociale et culturelle tel qu'il fonctionnait depuis des siècles ou des millénaires.
Depuis lors, l'Europe a fait bénéficier le monde entier, en commençant par l'Amérique, de ses avancées scientifiques et techniques et c'est ainsi que le monde a progressé jusqu'à nous. L'Europe aurait-elle dû s'abstenir de créer et répandre cette "civilisation de progrès" avec ses bienfaits mais aussi ses dangers ? Les progressistes, les "écolo-décroissants" et les tenants d'une "croissance durable" apporteront des réponses différentes. Toujours est-il que cette civilisation est devenue mondiale et que c'est à partir d'elle et des solutions qu'elle rend possibles que tous les peuples du monde doivent penser leur futur.
Les européens quant à eux, doivent cesser de fantasmer et de culpabiliser sur les rapports passés de l'Europe et du monde. Plutôt que pleurnicher, brailler ou discourir, ils doivent agir dans un monde nouveau qui les rattrape en les bousculant sévèrement. Nos "petits bourgeois" occidentaux enrichis mais aussi ramollis par la "sécurisation" et les facilités dont les font bénéficier leurs systèmes de protection sociale, doivent réapprendre à se battre !
Colonialisme, esclavagisme, exploitation, … tous les peuples ont péché au moins autant que l’Europe ! Culpabilisation et repentance sont hors de propos ... ne laissons pas quelques belles âmes et mauvais penseurs biaiser l’histoire du monde pour soigner leurs complexes et leurs problèmes existentiels.
Le développement est un problème d’hommes, pas de charité pseudo-chrétienne ni de revendication post-marxiste. C’est moins d’argent dont les pays pauvres ont besoin que de bonne gestion et de méthode pour entrer un jour dans l'histoire de la démocratie et du progrès.
Le modèle européen, humain autant que matériel, est devenu universel. Il est aujourd'hui, le seul capable d’aider le monde à faire face au défi démographique et aux exigences d’un développement juste et durable pour tous. La coopération n’est pas un dû, elle se mérite ! L’Europe est disponible et volontaire pour aider les peuples pauvres à condition qu’ils s’aident eux-mêmes et qu’ils cessent de récriminer.
Pourquoi l’Europe devrait-elle se reprocher d’avoir inventé les concepts et créé les moyens qui permettent à l’humanité de progresser … et même à nos bien-pensants de s’indigner des « injustices » du progrès ? Il est évident que si l’Europe a dominé le monde grâce à ses inventions scientifiques et techniques, c’est bien à elles que ce dernier sera en fin de compte, redevable de son progrès futur.
Par ailleurs, ce n’est pas parce que l’idée des droits de l’homme est un concept européen qu’il faut accepter comme normal que la plupart des pays ne les respectent pas chez eux ou pire encore, avoir des scrupules à exiger, même par la contrainte, que tous les respectent chez nous (statut des femmes, liberté d’expression, laïcité, …).
Face aux excès de la religion des Droits de l’Homme, attaquons de front les problèmes (immigration, intégration, emploi des jeunes, délinquance …) au lieu de perdre notre âme et gâcher notre avenir à les taire ou à les nier au risque d’exaspérer les peuples et d’exciter les extrémismes.
La priorité est de sauvegarder l’identité européenne comme une référence majeure et incontournable de la construction du monde nouveau.
L’autre priorité est d’empêcher nos peuples et leurs gouvernants de s’avachir dans l’amollissement du caractère qu’engendre le confort. En face d’eux en effet, les jeunes qui croissent et multiplient dans les pays pauvres, sont obligés de prendre leurs responsabilités et de se battre pour faire leur place ou même simplement survivre tandis que nos « indignés » font des caprices de gosses de riches. Qu’ils sachent que personne ne se battra à leur place !
L’opuscule écrit par Edgar Morin et Stéphane Hessel, « les Chemins de l’espérance » après l’ineffable « Indignez-vous » du même Hessel, est typique de cette mauvaise conscience bien-pensante et du penser faux de nos intellectuels d’après-guerre reconvertis dans les obsessions écologisantes, les bons sentiments tiers-mondisants ou quart-mondisants et le prurit des droits de l’homme après que, forcés par l’évidence de la réalité, ils aient du renier les erreurs et les folies monstrueuses du communisme et du gauchisme appliqués qu’ils avaient tant vanté comme l’horizon indépassable de l’humanité.
Peurs, fantasmes et indignations sont les manifestations actuelles d’une erreur de processus intellectuel qui a permis aux primitivités des vieilles idéologies de combat socialisantes et marxisantes de se transcender en une bien-pensance de masse politiquement et socialement correcte où le très chrétien « aimez-vous les uns les autres » a dégénéré en sensiblerie sentimentale et les droits de l’homme en revendications de « droits à … tout et n’importe quoi ».
Ainsi a disparu tout esprit critique et la nouvelle doxa bien-pensante a fait figure d’idéologie nouvelle à mesure que le progrès matériel amollissait le caractère de nos peuples et de nos nations !
En France, nos intellectuels germanopratins d’après-guerre ont « structuralisé » le processus de déresponsabilisation de l'individu face à la société, nos petit-bourgeois « révolutionnaires » de Mai 68 ont braillé leur irresponsabilité dans les rues, nos modernes penseurs humanitaristes ont inventé la culpabilité de l'Europe face au reste du monde et nos journalistes avec leurs experts et leurs humoristes se sont chargés de répandre le conformisme et la dérision des valeurs pour en faire le « standard » (le catéchisme !) de pensée et de comportement du petit-bourgeois occidental, l’homme nouveau du stade actuel d’évolution de notre société.
Nous avons ainsi réussi à créer une société à classe unique moyennement enrichie dont l’âme est effectivement altérée par la peur de perdre ses acquis et que ses penseurs et faiseurs d’opinion entretiennent dans la rêverie d’un droit au bonheur sans effort et sans responsabilité …
Dans le sillage des réflexions de Nietzsche sur la nature humaine et sa propension à se confire dans une « morale de troupeau », Ernst Jünger, honnête homme allemand et européen du 20è siècle, penseur et guerrier à la fois, critique lucide mais optimiste quant à la capacité de l’Europe à se reconstruire après la guerre, décrivait ainsi le processus de « médiocrisation » de l’homme qui allait devenir l’archétype de notre désespérante société de petit-bourgeois :
… « bien qu’il ne soit pas dépourvu de lieux communs spécieux, il sera dispos, intelligent, actif, méfiant, sans amour pour les belles choses, dénigreur par instinct des types et des idées nobles, attentif à ses avantages, épris de sécurité, docile aux propagandes, enflé de théories philanthropiques, mais tout aussi enclin à recourir à la contrainte pour peu que ses proches et ses voisins ne se plient pas à son système ».
Le constat d’aujourd’hui vérifie la vision d’après-guerre. Mais dans son ouvrage La Paix, il ajoute de façon plus positive à propos de l’Europe : … « voici venue l’heure de la réunion, celle où l’Europe, se fondant sur le mariage de ses peuples, est en demeure de se donner sa grandeur et sa constitution …plus ancien que la couronne de Charlemagne etc… … ».
Il n’y a rien à ajouter dans la description du « bobo » bien-pensant, geignard et velléitaire d’aujourd’hui mais la prémonition de la réunion de l’Europe et de sa grandeur nous redonne espoir de transformer notre « bobo » en européen responsable et capable de sublimer sa civilisation en la portant en tête du mouvement général de renouveau des civilisations du monde. Encore faudra-t-il prendre le bon chemin dans la construction de l’Europe !
De ce petit-bourgeois européen, on ne saurait dire quel est le plus détestable : le français, l’anglais ou l’allemand ou plus généralement le latin ou le nordique ? Toujours est-il que c’est ce matériau-là que nos gouvernants auront à travailler. Souhaitons-leur beaucoup de courage et d’opiniâtreté en supposant qu’ils aient la hauteur de vues nécessaire pour définir le bon cap !
On peut légitimement être inquiet à cet égard et aussi légitimement fatigué des complaintes permanentes des bonnes âmes, formalisées par nos « penseurs de la société idéale », reprises par les professionnels de l’agitation politique, syndicale voire « révolutionnaire » et amplifiées par les media en mal de sensationnel, qui veulent obstinément faire croire au citoyen européen moyen, qu’il est très malheureux et absolument brimé par ses gouvernants. Au lieu de perdre leur âme en affolant les « masses », en cultivant leurs angoisses et en répandant la morosité, ces journalistes feraient mieux de s’en faire l’éducateur et de leur redonner confiance. Ils rejoignent ainsi nos chers intellectuels dans le monde de la parole où il n’y a jamais de sanction à la légèreté ni à l’irresponsabilité, bien au contraire car cela rend plus pétillant et plus brillant aux yeux des mondains !
Ce comportement de peur et de refus du combat commence précisément à régner au moment où la pression du monde extérieur oblige la société européenne à s’adapter d’urgence pour être plus efficace sous peine de faillite de nos entreprises, de chute de l’emploi, de ruine de la protection sociale et de submersion de nos pays par les produits du monde en développement et par leurs populations beaucoup plus dynamiques et qui, elles, ont vraiment faim.
Nous sommes en effet, dans un mouvement mondial d’adaptation permanente du fait de l’émergence et donc de la concurrence du monde en développement : le refuser serait disparaître. Il faut certes, en atténuer les chocs autant que possible mais il est vital de faire face. Or, on les voit partout, ces agents du renoncement, ces professionnels de la morosification des peuples et ces corps intermédiaires qui prétendent les représenter, essayer de bloquer des réformes nécessaires et critiquer les mesures prises pour remettre l’économie en ordre de marche et sauvegarder l’emploi, au lieu de prendre leur part de responsabilité et faire œuvre de salut public en participant à l’effort commun d’explication de la marche du monde et d’éducation du peuple !
Bien sûr, il y a dans notre monde développé, des riches qui ne méritent pas de l’être autant que d’autres et des pauvres qu’on doit mieux protéger ou aider … mais pour qui connaît les misères des peuples et les turpitudes des dirigeants du tiers monde, il y a quelque chose d’indécent dans la contemplation de lui-même où se complaît notre petit-bourgeois européen moyen, abusé et déprimé par ses mentors culturels, politiques et syndicaux.
Trompé par ses faux-penseurs et ses faiseurs d’opinion, il périra s'il continue de préférer son confort à l'action et refuse de reprendre le combat pour ses valeurs en faisant de l'Europe le modèle du monde nouveau.
Espérons donc que les peuples européens ne se laisseront pas abuser par ces pharisiens qui les entretiennent dans l’illusion de la facilité et lui mentent au sujet des combats à venir …
Sans aller jusqu’à la provocation de Roland Barthes qui disait que « les intellectuels ne produisent en fait, que des déchets … et ne servent à rien ! », invoquons Simone Weil qui s’interrogeait à propos de cette nouvelle religion de la bien-pensance et des « droits à … ». Elle disait, évoquant les contradictions de l’homme, avec sa part divine et sa part humaine : « …. améliorez le sort matériel du peuple et vous risquez d’altérer son âme, dévouez-vous entièrement à quelqu’un et vous cessez d’exister pour lui, etc …. Seul le bien imaginaire ne comporte pas de contradiction : …. le réformateur social qui rêve le bonheur du peuple ne se heurte à aucun obstacle tant qu’il ne passe pas à l’action ; il vogue à pleines voiles dans un bien pur mais fictif ; le choc contre l’écueil est le signal du réveil … ».
Sur l’écueil, nous y voilà ! La richesse peut devenir un poison mortel et l’Europe souffre maintenant d’addictions culturelles qui l’ont peu à peu avachie et lui ont enlevé tout esprit de lutte :
-Son confort petit-bourgeois l’empêche de penser grand et d’agir fort, elle refuse le risque …
-Sa bien-pensance l’empêche de réagir à ce qui peut mettre en danger son être-même en commençant par son identité propre, elle ne s’aime plus et ne cherche même plus à se sauver elle-même …
-Son penser faux la conduit à l’erreur dans son propre développement et dans ses rapports aux autres. De conquérante, elle est devenue suicidaire !
L’Europe doit rompre d’urgence avec le processus de « médiocrisation » où l’ont plongée ses faux-penseurs qui la poussent à la facilité au lieu de l’encourager à l’effort.
Il faut au contraire, aider l’homme européen à reprendre confiance et l’encourager à aller sur les hauteurs pour qu’il comprenne mieux ses faiblesses car ses échecs ne sont pas nécessairement « la faute des autres » ni celle de la société ou de l’Etat mais plus sûrement la sienne propre ! La responsabilité s’apprend à condition qu’on veuille bien l’enseigner au lieu de la nier comme l’ont fait inconsidérément nos penseurs, philosophes et pédagogues des dernières décennies.
Faire de l’Europe la puissance de référence du monde nouveau ? Il y faut une ambition pour l’Europe et donc lever auparavant le préalable français !
Intéressant article de Laure Mandeville qui fait état dans le Figaro du 13 Décembre 2012, d'un rapport de la Direction du Renseignement National américain (DNI avec Matthew Burrows) concluant que "le monde de 2030 ne sera ni américain ni chinois mais clairement post-occidental et radicalement différent de celui d'aujourd'hui". On veut bien le croire !
Ce rapport met en avant qu'après la domination européenne ruinée par la guerre et la chute de l'empire soviétique, "le moment unipolaire" américain est terminé et qu'aucun grand pays ne pourra devenir "une puissance hégémonique". On va en effet, vers un monde multipolaire avec une dispersion croissante du pouvoir des Etats et un "pouvoir grandissant des individus englués dans une vaste classe moyenne globale" portée par la révolution technologique de l'information et où croissance et vieillissement de la population auront des effets contraires selon les pays ou continents. A côté de ces facteurs fondamentaux d'évolution du monde, le changement climatique, l'avenir de la zone euro et quelques impondérables comme le nucléaire "religieux" iranien ou pakistanais sont porteurs d'imprévisibilité.
L'auteur met en garde les Etats-unis ("d'autres empires qui se croyaient invincibles se sont effondrés") en leur rappelant que "la relation transatlantique reste la seule alliance viable" pour servir de référence ou de recours dans un monde qui sans cela, risquerait de devenir un monde de grand chaos.
Si l’on se place du côté de l’Europe, il devient évident que dans le nouveau concert des nations face aux grands pôles américains, asiatiques et peut être un jour africains, la France seule, l'Allemagne seule ou quelque autre pays européen à lui seul, ne pèsera plus du poids suffisant pour se faire entendre ni a fortiori pour peser sur l'avenir du monde. Seule une Europe unie le pourra or l'Europe n'existe pas encore en tant que puissance ... elle n'est pour l'instant que le "plus grand marché du monde" ouvert à tous les vents ! Il faut donc "faire l'Europe" et celle-ci ne se fera que par la volonté de ses nations … à condition évidemment que cette volonté soit incarnée par des dirigeants de caractère !
De Gaulle, pourtant un farouche souverainiste, l’avait bien senti et le disait déjà à Adenauer en 1963 : "L'Europe, c'est la France et l'Allemagne ! unies, elles feront l'Europe, désunies, elles sombreront avec elle !" Que nos Chefs d'Etat le méditent en songeant que jamais l'Europe n'a fait autant de progrès dans l'intégration ou l’harmonisation de ses politiques économique, monétaire, bancaire et budgétaire que depuis 2008, quand, forcés par la "crise", Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont pris les rênes et ôté à Bruxelles qui n'en avait d'ailleurs pas le pouvoir, la compétence et surtout la prétention de "faire l'Europe". Encore faut-il que nos nouveaux dirigeants, en France comme en Allemagne, en aient l'ambition et qu'ils le veuillent !
Sans vouloir encore parler de nation européenne ni même d’un quelconque embryon de fédéralisme européen, l'expérience de réponse à la crise dite de l'euro par un "leadership" franco-allemand fort et volontariste a permis de faire émerger un embryon de volonté européenne. Elle montre la voie d'une coordination des politiques qui a plus fait en quatre ans que cinquante ans de tentatives pilotées par les instances de l'Union qui ne possèdent pas les moyens matériels ni institutionnels de s'imposer à un aréopage de pays aux intérêts divergents et sans véritable ambition commune pour l'Europe.
Faire l'Europe implique en effet, d'avoir une ambition commune pour l'Europe en tant que puissance.
L'Allemagne y vient mais elle tarde, car depuis ses malheurs de la dernière guerre mondiale, elle a toujours vu l'Europe trop exclusivement par le biais économique. Ce n'est peut être qu'une ambition médiocre mais le fait est que l'Allemagne d’après-guerre n'a jamais eu l'ambition d'une Grande Europe à la différence de la France. La "crise" l’a amenée à mieux comprendre la nécessité du "politique" et notamment les réalités de l'interdépendance des Etats et des peuples européens mais l’Allemagne, aujourd’hui convaincue de la nécessité d’une Europe-marché, n’est pas encore convertie à l’idée d’une Europe-puissance. Il suffirait par exemple, que la France ne fasse pas l'effort qu'il faut pour se remettre à flot pour que l'Allemagne, excédée par les hésitations du gouvernement français et son manque d'allant dans la coopération, se remette à penser qu'elle pourrait tout à fait se fixer pour objectif de devenir une Grande Suisse riche et prospère, dans un monde qui ne demanderait qu'à lui acheter biens et services de qualité à des prix raisonnables ! L'échec de la tentative de fusion EADS-BAE à laquelle elle s'est opposée, montre que l’Allemagne a encore quelques progrès conceptuels à faire dans les domaines lourds de la défense et de la politique étrangère européennes ou même simplement dans l’identification des secteurs stratégiques du développement européen !
Quant à la France, elle a toujours eu l'ambition de l'Europe mais elle ne s'en était pas donné les moyens à savoir une politique économique et financière à la mesure de cette ambition. Elle y vient elle aussi ... mais le temps est compté pour prendre enfin les décisions que tout le monde sait inévitables dans la perspective d'une Europe forte dans un monde en bouleversement. L'accueil fait par le Gouvernement au rapport Gallois de Novembre 2012 sur la "compétitivité", rapport qu’on a furieusement élagué, ni les lettres de cadrage budgétaire de Juin 2013 pour le budget 2014 ne vont dans le bon sens à cet égard.
Le gouvernement français doit donc cesser de jouer avec le feu en croyant jouer au plus malin avec l'Allemagne ! De l’autre côté, on a vraiment envie de dire à l’Allemagne de prendre un peu de hauteur pour parler de l’avenir de l’Europe et de nos pays respectifs.
Il est en effet, pitoyable et criminel de risquer à tout bout de champ de mettre ainsi l'Europe en danger par des fumisteries, des obsessions ou des lâchetés qui s'écartent de la ligne droite que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont fixé à l’Europe au printemps 2012 pour sauver l'euro et faire l'Europe !
L’Europe se fera par la France et l’Allemagne ou ne se fera pas … l’accord franco-allemand de fin 2011 et le Traité de Stabilité de Mars 2012 ont fixé le cap et la réalité s'impose !
Depuis la mémorable sortie du Président Barroso de septembre 2011 ("le gouvernement économique de l'Europe, c'est la Commission !" hasardait-il alors que rien n'était encore convenu entre la France et l'Allemagne) et les péripéties printanières du changement de gouvernement en France, les choses sont devenues plus claires avec la ratification du "Traité de Stabilité, Coordination et Gouvernance" mis au point par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel fin 2011 et début 2012 à un moment crucial de la crise.
L'Allemagne aura finalement accepté au cours de ces quatre années de crise, beaucoup de choses qu'elle se refusait même à envisager (solidarité au sein de la zone euro, extension du domaine d'intervention de la Banque Centrale, modalités d'intervention du FESF puis du MES en particulier, etc...) après s'être imposée dix années de vertu économique et financière depuis le début des années 2000.
La France quant à elle, aura reconnu son laxisme tri-décennal et se sera engagée à entreprendre les réformes de structures et de comportement qu'elle rechignait à faire depuis 1980 au lieu de multiplier les décisions économiques et sociales à contresens !
Bref, la France et l'Allemagne ont pris le commandement et les pays européens ont fait en quatre ans, plus de progrès dans l'intégration et la coordination de leurs politiques qu'en cinquante ans de tentatives bruxelloises d'un consensus difficile voire impossible à obtenir lorsqu'il s'agit des décisions majeures.
Gardons bien entendu l'acquis bruxellois, une certaine habitude de travailler ensemble, le marché commun et avant tout, la paix maintenue grâce au cadrage de la volonté de puissance des différentes nations européennes et à l’abaissement de leur puissance relative par rapport au reste du monde. Continuons néanmoins dans la voie de l'entente première franco-allemande pour faire de l'Europe la puissance mondiale de référence.
C'est à cette tâche que François Hollande doit consacrer son quinquennat et on attend de lui qu'il reprenne pour la France, la part de "leadership" qu'il a perdue par ses lubies et ses hésitations récurrentes !
Il reste en effet, au Président et au Gouvernement français à rétablir effectivement l'équilibre des dépenses publiques, en réduisant drastiquement ces dernières plutôt qu'en augmentant les impôts pour rétablir la confiance internationale et éviter de casser la dynamique économique. Ils devront en conséquence réformer l'Etat, le secteur public et le système de protection sociale pour en améliorer le rapport coût/efficacité. Il leur faudra encore convaincre les syndicats de faire de bonne grâce un gros effort sur la flexibilité du travail et des salaires privés et publics (à défaut, les y obliger), pour rétablir la compétitivité de l'économie française. Accompagner le mouvement par la fiscalisation (TVA et CSG) d'une partie des charges des entreprises, encourager les efforts de recherche, de création d'entreprises et l'investissement ... bref, convaincre les français qu'il faut s'adapter, travailler mieux et cesser de se comporter en gloutons insolvables !
Les français commencent à le comprendre mais leur conversion a été difficile en raison de leur addiction aux facilités et au laxisme des trois dernières décennies, produit pervers des utopies et des rêves échafaudés par des intellectuels qui pensaient faux et diffusés dans le corps social par des relais et intermédiaires sociaux, sociétaux et médiatiques qui enfumés par l'idéologie et la bien-pensance, avaient perdu le contact avec les réalités.
Le "Traité de Stabilité, Coordination et Gouvernance" de Mars 2012 est le premier pas vraiment sérieux vers une intégration des politiques économiques européennes. La suite logique du processus sera de réaliser l’Union Bancaire en liaison avec la Banque Centrale et d’harmoniser les politiques fiscales et sociales en attendant les politiques de l’énergie, de la défense et la politique extérieure.
Vaste programme certes, mais il serait inacceptable que les responsables français et allemands aillent à l’échec.
Pour cette raison, l’Allemagne doit montrer plus d’ambition européenne et faire preuve de moins de rigidité doctrinale en matière de gestion économique et financière et la France de plus de sérieux et de continuité dans sa gestion.
Si elle réussit son programme, l'Europe deviendra la puissance mondiale de référence du 21è siècle tant au plan des idées, que de la culture, du social et de l'économique. Elle aura alors réussi à sauvegarder et développer sa civilisation d'humanisme et de progrès et continuera d’éclairer le monde !
A défaut de réussir, elle disparaîtra avec toutes ses nations en se laissant engloutir par la marée montante des nouvelles puissances du monde d'où émergerait à peine une Amérique qui ne se souviendrait alors même plus de ses origines européennes
Où en est l’Europe en Juin 2013 ? La France a perdu l’initiative et l’Europe patauge alors que le monde avance ! « L’action ce sont des hommes au milieu des circonstances ! »
L’euro n’a pas disparu et l’Europe n’a pas éclaté contrairement aux prédictions de nos pythies, l’ineffable Jacques Attali ou nos économistes « déclinistes », quelques-uns de droite mais plus encore de gauche, ou encore ceux qui, handicapés par une vision limitée de l’avenir, souhaitaient le chaos européen de la droite souverainiste à l’extrême gauche « révolutionnaire ». Il fallait un sacré courage et beaucoup de foi en l’avenir pour résister à ce raz de marée de pessimisme européen et aux assauts des marchés inquiets de ce manque de foi européenne des européens eux-mêmes.
Au contraire, la situation semble se consolider et les pays qui ont été les plus secoués par la crise financière et les mesures de sauvegarde consécutives (Irlande, Portugal, Italie, et même Espagne et Grèce), commencent à retourner sur les marchés, signe que la confiance revient dans leurs économies devenues plus compétitives et donc dans leur capacité à redresser leur situation économique et financière. Le fait notable est qu’il n’y a plus eu de réunion de crise depuis le Traité de stabilité de Mars 2012 promu par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sauf pour le cas assez spécial et assez rapidement circonscrit de Chypre. Un signe que les marchés et l’euro se sont réconciliés au point que la Commission européenne vient de relâcher la pression sur les « mauvais élèves » y compris la France à qui elle vient d’accorder un sursis de deux ans pour rentrer dans les limites budgétaires de Maastricht.
Le problème est maintenant de régler convenablement la combinaison optimale permettant d’assurer à la fois croissance et redressement financier par des politiques équilibrées qui ne provoquent pas la récession ni ne cassent les perspectives de croissance mais permettent de redonner à nos économies les capacités compétitives dont elles auront besoin à l’avenir pour faire face à la compétition des nouveaux acteurs mondiaux. C’est en particulier le dilemme de la France dont la situation compétitive est très dégradée et qui n’a encore mis en oeuvre aucune mesure d’envergure pour remédier à cette situation depuis la bataille de la réforme des retraites de 2010.
La crise néanmoins n’est pas encore passée et l’Europe reste fragile. Sa compétitivité est mauvaise et sa croissance nulle. Son commerce extérieur reste déficitaire. Ses finances publiques sont déséquilibrées et pèsent beaucoup trop sur le secteur productif.
Seules, les décisions de la Banque Centrale de l’été 2012 ont permis de rassurer les marchés et d’éloigner au moins temporairement les inquiétudes immédiates. Ceci a permis de ramener le calme, de réinsuffler un peu de confiance dans un public égaré par des media cultivant la morosité des foules et de redonner un peu d’air aux opérateurs économiques en parallèle avec les mesures sévères de redressement imposées aux pays qui avaient privilégié la facilité aux dépens du « sérieux budgétaire », d’où le léger mieux que l’on peut constater au milieu de l’année 2013.
Cela n’est cependant qu’une amélioration relative considérant l’accumulation des imprudences commises dans les deux ou trois décennies passées en matière de gestion économique et financière, tant au niveau des particuliers beaucoup trop voraces compte tenu de leurs moyens disponibles que des entreprises, des banques et des Etats qui se sont laissé aller de façon irresponsable, et considérant par ailleurs la situation qui aurait pu en résulter telle qu’on pouvait le craindre en 2012 après les espoirs déçus de la légère rémission de 2010-2011.
Surmonter définitivement la crise, implique d’avancer décidément vers l’Europe et, sans parler d’une éventuelle « intégration ou fédéralisation » qui serait prématurée, il s’agit de donner plus de corps au TSCG, le Traité de Stabilité, Coordination et Gouvernance conclu en Mars 2012 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel qui en avaient établi les bases à la fin 2011. Il doit être le guide qui permettra d’avancer vers l’harmonisation progressive des politiques économiques et financières, et vers l’Union Bancaire jusqu’à atteindre un jour le niveau de confiance entre partenaires qui permettra enfin d’aboutir à une véritable « solidarité » européenne avec le système « d’euro-obligations » qui la concrétisera ! … bref, d’avancer vers l’Europe et de constituer peu à peu cette Europe-puissance dont la France et l’Allemagne doivent être les pivots et les pilotes.
Il faut en effet, commencer par transcender nos réflexes nationaux en coordonnant nos politiques et les sublimer progressivement en un véritable état d’esprit européen. C’est cela ou ce sera la fin des ambitions mondiales de l’Europe et bien entendu de nos ambitions nationales !
C’est cela ou alors, l’avenir de chacun de nos pays sera au mieux, de devenir une « Grande ou une petite Suisse » à condition encore que nous sachions gérer convenablement notre pays … ou ce sera tout simplement de régresser dans l’ordre des nations au niveau de simples pays en développement si nous continuons dans la facilité !
Ce ne saurait être l’ambition de la France. Il faudra donc continuer le travail commencé avec patience et opiniâtreté et non avec des coups de menton et des manœuvres plus ou moins grossières qui ne font que cacher le manque d’esprit de décision et d’action !
Attention donc, Monsieur Hollande, ne vous emballez pas comme on vous a vu dans l’excitation de votre réunion du 15 Mai 2013 avec Monsieur Barroso et quelques Commissaires à Bruxelles ! L’Europe n’a pas viré à la relance keynésienne à tout va et n’a aucunement abandonné l’objectif de réduction des déficits et de saine gestion budgétaire ! L’Europe cherche simplement un juste équilibre entre le « sérieux budgétaire », facteur déterminant de notre compétitivité à long terme, et la croissance. Ne vous gonflez pas d’inutile vanité en pensant et encore moins en disant que vous avez « réorienté » la politique de l’Europe, c’est une politique qu’elle suit depuis le début de la crise et convenue de longue date entre la France et l’Allemagne ! Tout est dans le dosage et en l’occurrence, l’Europe n’a fait que vous accorder un sursis d’exécution à vos obligations qu’on s’est fait un devoir de vous rappeler à Bruxelles et que vous avez intérêt à ne pas gaspiller en procrastinations répétées comme cela semble être une seconde nature chez vous ! Peur de déplaire ? Incapacité à décider ? Manque d’autorité ? Absence de vision ? Difficulté à voir grand ?
Soyez bien conscient que dans ces conditions, le processus franco-allemand ne fait que suivre son cours mais beaucoup trop lentement et médiocrement parce que la France souffre d’un Président qui, décrédibilisé par ses rodomontades sur la "renégociation" du Traité de Stabilité de Mars 2012 et par l'incapacité de son gouvernement à mener les réformes de fond dans des délais acceptables, n'arrive pas à rétablir le contact avec Angela Merkel et à reprendre la part française du leadership européen qu'il a perdue par ses vanités affichées.
L’Allemagne suivant la pente prise du temps de Nicolas Sarkozy, en vient peu à peu à moins de rigidité de la même manière qu’elle avait fini par accepter plus de solidarité avec les pays du sud de l’Europe et comme elle avait accepté l’extension des champs d’intervention de la Banque Centrale. Elle en vient donc à l’idée de l’Union Bancaire et face au risque de stagnation voire de récession économique au niveau européen, accepte maintenant plus de souplesse dans le rythme du retour à la barre des 3 % de déficit puis à l’équilibre des dépenses publiques … et la France en profite !
Un rappel désagréable de Joen Dijsselbloem, le nouveau patron de l’Eurogroupe, était venu troubler il y a quelques semaines, la quiétude irresponsable de notre Président et de ses ministres qui croyaient déjà que l’Europe avait gobé leurs tours de passe-passe et avaliserait sans discuter le fait que nous n’atteindrons pas nos objectifs malgré les affirmations du gouvernement cent fois réitérées, pour les déficits, la dette et la compétitivité de l’économie française. Et ce ne sont pas les regrettables imprudences de langage dudit J. Dijsselbloem à propos de Chypre qui ôteraient quoi que ce soit à la valeur de son avertissement à la France !
Mais voilà qu’en Mai, la Commission annonce la bonne nouvelle du sursis accordé à la France pour ces fameux 3 %, à condition toutefois que les efforts nécessaires soient faits en matière de compétitivité comme de déficit et de dette à l’horizon 2014-2015. C’est évidemment une honte nationale d’être ainsi mis en tutelle (Manuel Barroso à son tour vient de faire passer son « examen de passage » à Hollande le 15 Mai à Bruxelles en lui rappelant ses obligations de réforme !) mais c’est la bouée de sauvetage de ce gouvernement qui a maintenant plus de flexibilité pour mener à bien les vraies réformes. On peut craindre cependant qu’il n’en profite au contraire, pour ralentir le rythme desdites réformes et qu’il « oublie » les conditions du sursis accordé au risque d’un brusque réveil quand la situation ne sera plus tenable ni pour la France et les français ni pour ses partenaires européens. Méfions-nous car la vanité et la lâcheté vont souvent avec l’inintelligence des choses et celle-ci avec la persévérance dans l’erreur !
Comment dans ces conditions, retrouver la crédibilité que nous avons perdue en matière de leadership européen ? Il faut d’abord remettre la France sur les rails de la puissance économique pour la génération à venir en réformant profondément notre modèle socio-économique. Nos gouvernants ont-ils compris que le reste du monde n'attend pas le bon vouloir des socialistes français ? Ont-ils compris que la France, ne pourra faire valoir ses vues et sa volonté que si elle est forte et rétablit auparavant sa crédibilité ? Si François Hollande ne le fait pas parce qu’il n’en est pas convaincu ou qu’il n’en a pas le courage ou la force, il devient vital que la droite revienne au pouvoir pour agir car la France et l'Europe ne peuvent plus attendre ! La gauche encore une fois aura fait perdre beaucoup de temps au pays et, incapable de lui parler de révolution, n'aura su lui proposer que son trop plein de bons sentiments !
Le problème pour l’Europe est de taille si l’on considère bien que la France est le seul pays européen à avoir une vision politique cohérente de l’Europe future et à vouloir la faire avancer en tant qu’Europe-puissance. Cela a commencé avec l’Europe européenne de De Gaulle et s’est poursuivi avec le serpent monétaire de Giscard d’Estaing concrétisé par l’euro de Maastricht de Mitterand et Balladur et enfin, la consécration du couple directeur franco-allemand par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à l’occasion de la crise de 2008-2012 qui a clairement montré la seule voie possible pour la construction de l’Europe.
En effet, comment ne pas interpeller sévèrement nos partenaires européens et ne pas leur faire la leçon sur ce que doit être ou ne pas être l’Europe ?
Non Mr Cameron ! L'Europe, ce n'est pas seulement un "common market" ! Votre vision de l'Europe est affreusement limitée et totalement "backwards" (nous n’en sommes plus à l'Angleterre boutiquière et libre-échangiste du 19è siècle !). Elle m'attriste en raison de la pauvreté de l'ambition qu'elle révèle pour l'Europe et pour la Grande Bretagne ! Quant à votre projet de référendum, il s'agit d’un non-évènement puisqu'il faut encore que les tories gagnent les prochaines élections et parce que l'Angleterre, n'a encore jamais été un partenaire à part entière ni de l'Eurogroupe ni même de l'UE. Il faudra bien un jour décider si vous voulez être au quart, à demi, aux trois quarts ou pleinement européen !
Non Mme Merkel ! L'Europe, ce n'est pas non plus un ensemble « fédéralisé » de régions européennes bien gérées à défaut duquel vous vous contenteriez de bâtir une "Grande Suisse" avec retour éventuel au "bon vieux" deutschmark. Votre vision de l'Europe m'attriste aussi par son côté "petit-bourgeois". Quant à votre suggestion de l’été dernier, de commencer à étudier des structures européennes « fédéralisantes », permettez-moi de vous dire que cette réflexion ne saurait être mise à l’ordre du jour actuellement à voir le temps qu’il a fallu pour mettre au point des institutions qui collent à peu près avec l’idiosyncrasie de nos pays respectifs, Grande Bretagne, France ou Allemagne par exemple.
Il est certain qu'il faudra un jour, consacrer la nécessaire et croissante intégration politique de l'Europe par des réformes institutionnelles. Il y a néanmoins beaucoup d'étapes à franchir avant de parler d'une "vision" où la Commission deviendrait le gouvernement de l'Europe et où deux chambres à la mode allemande, française ou américaine, deviendraient son Parlement !
Il faut d'abord dire de quelle Europe on parle : l'Eurogroupe ou l'Union Européenne ? Le premier a une consistance que la seconde n'a pas surtout si l'on considère les réticences anglaises qui ne datent pas d'hier et que David Cameron ne cesse d'agiter face à l'une comme à l'autre de ces approches de l'Europe.
Il faut ensuite faire preuve de pragmatisme et bien voir que jamais l'Europe n'a autant progressé que depuis que la France et l'Allemagne ont décidé de resserrer leurs liens pour faire face à la crise entre 2008 et 2012. Le leadership franco-allemand a fait ses preuves face à la lourdeur de l'Union à presque 30 dont les institutions bloquent sur les règles et dont les compétences sont très limitées par les Traités. Il serait dramatique que l'efficacité et la pérennisation de ce processus de coordination-intégration de nos politiques soient réduites à néant par un certain manque de franchise et d'allant dans les rapports entre les deux pays ayant dégénéré, il faut bien le dire, en un périlleux manque de confiance réciproque depuis l'accession au pouvoir du nouveau Président français.
Enfin, en admettant qu'on soit d'accord sur la configuration de la future Europe et sur la nécessité du "leadership" franco-allemand pour y arriver, il sera nécessaire de bien réfléchir aux implications de tel ou tel schéma institutionnel. Il ne suffit pas de dire en effet, qu'on veut un « gouvernement », un « parlement » et une « cour constitutionnelle » ! Il faudra que le "gouvernement" ait une majorité pour gouverner ce qui a des implications sur le mode de scrutin. Quelle sera la répartition des responsabilités entre gouvernement et parlement ? entre les deux chambres du parlement ? Etat unitaire ou fédéral ? Aurons-nous un Président élu au suffrage universel ? Le gouvernement procèdera-t-il du Président ou du Parlement ou des deux ? Le gouvernement pourra-t-il être remercié par le parlement, et dans ce cas par quelle chambre et à quelles conditions ? Accepterons-nous une "cour constitutionnelle" au risque de dériver vers un "gouvernement des juges" ou nous contenterons-nous d’un Conseil Constitutionnel? etc ..., etc ...
On est là, bien loin de l'état embryonnaire de nature plus administrative que politique de notre actuelle Commission et de notre actuel Parlement ! Il faudra refonder toutes ces institutions par un travail constitutionnel de fond qu'il faudra mener à bien entre les peuples et les Etats-Membres. On ne pourra se contenter de quelques aménagements rapides (!!!) du système actuel !
Enfin et peut être plus important encore, convenez chère Madame Merkel, que nous avons autre chose à faire maintenant que de nous préoccuper des institutions futures d'une Europe idéale ! Soyons déjà heureux que notre Banque Centrale ait enfin trouvé sa dimension entre les exigences allemandes et les volontés françaises !
Comme vous le dites vous-même, concentrons nos efforts sur la mise en oeuvre adéquate du Traité de Stabilité, Coordination et Gouvernance et sur l'harmonisation-coordination de nos politiques budgétaire, monétaire, bancaire et financière en général ainsi que sur l'amélioration de notre compétitivité économique (réforme du secteur public, déficit budgétaire et dette publique, coûts de production, flexibilité et sécurité de l'emploi, du temps de travail et des rémunérations, recherche et innovation, etc ...).
Nous comprenons fort bien votre impatience devant les hésitations et l'indécision du Gouvernement français à l'égard des mesures immédiates qu'il doit prendre pour remplir les "termes de son contrat" avec vous et les autres pays européens. Cela nous exaspère autant que vous et nous voyons fort bien les périls qui menacent. Il vient cependant de faire un pas dans la bonne direction et même si on peut qualifier ces mesures de demi-mesures ou d'insuffisantes, cela ne vous autorise pas à proposer des choses qui soient vraiment trop hors du cadre actuel des préoccupations européennes (... sauf si des raisons de politique interne vous y obligent !).
Lorsque le processus d'intégration sera suffisamment avancé, les peuples et les gouvernements viendront d'eux-mêmes à l'idée d'un Etat européen et ensuite, progressivement, d'une nation européenne privilégiant les éléments communs de sa culture et de son antique civilisation.
... et cessons de clamer qu'il faut faire le chemin à 27, 28 ou plus ! on n'a plus le temps de traîner car le monde ne nous attend plus ! La Commission est un outil utile pour assurer la coordination entre les Etats-Membres de certaines missions et fonctions que peuvent lui déléguer les Etats mais elle n’est pas le gouvernement de l’Europe (la déclaration de J.M. Barroso de Septembre 2011 avait à cet égard quelque chose d’un peu osé pour ne pas dire puéril !).
En effet, Mr Fabius ! L'Europe ce n'est pas une construction bureaucratique et prétendument égalitaire "à la française" où 27 et bientôt 30 et pourquoi pas 40 pays marcheraient du même pas vers une utopique intégration ! Votre vision de la construction de l'Europe future n'est pas réaliste au vu de l’expérience des trois décennies passées. La remarque faite ci-dessus au sujet de la proposition de Madame Merkel de créer des institutions européennes nouvelles, vaut encore plus pour votre projet dont je dois reconnaître que je ne saisis pas très bien l’approche fondamentale : préférer l’impulsion politique franco-allemande ou s’abîmer dans la bureaucratie bruxelloise qui n’a en fait de pouvoir d’initiative qu’en matière administrative ? Si la première proposition est la bonne, on n’attend que vous (et votre Président) pour agir !
Vous devriez aussi en parler à Monsieur Barroso et à tous les Commissaires, parlementaires et autres responsables européens qui parlent sans y croire (ils ne manquent pas tous d’un minimum de lucidité !) de faire l’Europe autour du schéma Bruxello-Strasbourgeois. Ce schéma valait tant que la Commission n’avait d’autre prétention que d’être un instrument administratif au service des Etats qui lui déléguaient quelques compétences administratives et le Parlement, un conseil consultatif. Créer des institutions européennes pour une Europe-puissance est une autre affaire que seuls des Etats de plein exercice souverain peuvent entreprendre de construire.
L'Europe, Madame , Messieurs, ne peut se construire que sous l'impulsion du couple (osons le mot "directoire" !) franco-allemand comme l'ont amplement démontré les avancées réalisées par N. Sarkozy et A. Merkel pour réduire "la crise" et préparer l'avenir, avancées que cette dernière tente d'amplifier vaille que vaille malgré le comportement erratique et contradictoire du Président français actuel avec ses "absences", ses regrettables rodomontades et son désastreux manque d'allant.
Par défaut du conjoint français, Mme Merkel a donc pris le commandement dans le couple franco-allemand ! C'est d’ailleurs elle qui indique à David Cameron qu'il va falloir que la Grande-Bretagne se décide entre le grand large et l'Europe tandis que la Commission reprend confiance au point qu'elle ose montrer son impatience à la fois à l'égard du louvoiement "cameronien" et de l'indécision "hollandesque" ! C’est encore elle, avec la complicité de la Commission trop heureuse de rentrer dans le jeu, qui « octroie » à la France un sursis de deux ans pour passer au-dessous du niveau de 3 % de déficit public !
Et voilà que la Commission, maintenant remise en selle par l’incurie du Président français, se permet de faire la leçon à la France et de fixer au gouvernement français le cap qu’il devrait suivre à défaut de l’avoir défini lui-même !
Où est donc passée l’impulsion, l’initiative française depuis Mai 2012 ?
Bernard de Montferrand, ancien ambassadeur de France en Allemagne, résume la situation en disant qu'il faut "parler réalités plutôt que postures" (Figaro du 3 Janvier 2012). De Gaulle le disait déjà à Adenauer en 1963 : "L'Europe, c'est la France et l'Allemagne ! ". L’histoire récente vient d’en apporter l’éclatante confirmation si l’on songe que jamais l'Europe n'a fait autant de progrès dans l'intégration ou harmonisation de ses politiques économique, monétaire, bancaire et budgétaire que depuis 2008. La "crise" en effet, a forcé Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à prendre les rênes. Bruxelles et les autres Etats-membres ont suivi reconnaissant implicitement qu’aucune décision d’envergure pour l’Europe ne peut être prise dans un aréopage de 28, 29 ou 30 « décideurs » souverains ! Encore faut-il que nos nouveaux dirigeants, en France comme en Allemagne, aient l'ambition de poursuivre dans cette voie !
Ce n’est donc pas le moment de parler de « confrontation » avec l’Allemagne comme l’ont bêtement fait les boute-feu du Parti Socialiste français à la fin du mois d’Avril 2013, au nom de la « relance » et contre « l’austérité » ! On espère qu’il s’agit là d’une simple bêtise de quelques illuminés (malheureusement mal contrôlés !) du PS et non d’une fumeuse combine d’un François Hollande qui prétendrait appliquer à la politique étrangère française les « petites recettes pour la synthèse » du PS . On peut le craindre d’autant plus que Le Monde s’alarme (en l’occurrence, il aurait raison !) d’une possible manœuvre de contournement de l’Allemagne par le côté italien suite à la visite du nouveau Premier Ministre, Monsieur Enrico Letta. Hollande avait déjà essayé de louvoyer en ce sens il y a quelques mois avec Mario Monti contre Angela Merkel.
Attention, Monsieur le Président, si c’est le cas, ce n’est pas le bon niveau de réflexion, encore moins pour l’action ! Avec l’Europe, on doit prendre de la hauteur et faire de la grande politique, pas des petites manœuvres !
Du seul fait de la nécessité de cette "impulsion essentielle" de la France et de l'Allemagne, l'Europe continuera de se faire "à la carte" en commençant par l'Eurogroupe (F. Hollande n'avait-il pas parlé de "géométrie variable" lors de sa conférence de presse de Novembre 2012 ? ou alors c'était une bévue ?). Les autres pays suivront et la Grande-Bretagne elle-même en viendra un jour à abandonner son comportement de mauvais joueur et à accepter les règles du "club" (pour ne pas dire aller à Canossa !).
Encore faudra-t-il qu'elle fasse un très gros effort d'adaptation et abandonne définitivement son fantasme du "grand large" qui l'englue dans ses souvenirs de puissance du 19è siècle.
La France et l'Allemagne l'ont fait. L'Angleterre le fera ! C'est son intérêt bien compris de ne pas rompre avec l'Europe (voyez ce qu'en pensent le monde des affaires et la City et aussi "l'ami américain" !). C'est son intérêt à long terme de participer activement à la construction de l'Europe et c'est aussi celui de l'Europe en tant que future grande puissance. Mais l'Europe n'a plus le temps d'attendre car le reste du monde la presse de très près ! La France et l'Allemagne doivent donc accélérer le mouvement avec ou sans l'Angleterre !
C'est la seule voie possible pour faire de l'Europe la puissance mondiale de référence du 21è siècle tant au plan des idées et de la culture que du social et de l'économique. L’Europe peut légitimement y prétendre dans la mesure où elle a déjà largement fait profiter le monde entier de sa civilisation d'humanisme et de progrès. C’est sur cette base que se développera le 21è siècle. Cela lui donne le droit d’y revendiquer un rôle majeur sinon le « leadership » ... et si les Etats-Unis et la Russie nous rejoignent dans une vaste alliance transatlantique, le monde libre et démocratique ne s'en trouvera que plus fort pour faire face aux défis qui nous attendent dans la grande aventure du développement d’un monde nouveau, durable et pacifique !
Encore faut-il au départ, une entente franco-allemande indéfectible pour entraîner le reste des pays européens ...
Faire de l’Europe la puissance mondiale de référence du 21è siècle … voilà l’enjeu ! Que l’Europe soit ou disparaisse, la France en sera le premier acteur si elle se fait ou le premier responsable si elle échoue.
La France aura alors confirmé son rôle séculaire de puissance-pivot en Europe ou quitté définitivement la scène mondiale !